Par Me Oudy BLOCH
Samedi 15 janvier dernier, à 11h00 du matin, Malik Faisal Akram entre, une arme à la main, dans la synagogue de Colleyville au Texas, au milieu de l’office du matin et prend en otage le rabbin et 3 membres de la communauté juive locale.
Entre deux tirades antisémites et antisionistes, il exige la libération de Aafia Siddiqui, une scientifique pakistanaise, membre d’Al Qaeda, et condamnée à 86 ans de prison aux États-Unis pour tentative d’assassinats sur des soldats américains et des agents du FBI. Pour sa défense, Siddiqui a déclaré lors de son procès que l’affaire qui lui était reprochée était un complot juif, a renvoyé son équipe d’avocats parce que certains étaient juifs et a demandé à ce que les membres du jury subissent un test ADN pour s’assurer qu’aucun d’entre eux n’étaient juif, israélien ou sioniste. Elle a enfin écrit une lettre à Barak Obama, alors président des États-Unis, pour dénoncer la lâcheté des Juifs qui ont toujours donné des coups de poignard dans le dos, ce qui explique les « holocaustes » subis par ces derniers.
Et pourtant, quelques minutes après la fin de cette prise d’otages qui aura duré une dizaine d’heures et pendant laquelle Malik Akram aura exigé, à plusieurs reprises et avec force, la libération de sa « sœur » en islam Aafia Siddiqui, affirmant qu’il la retrouverait de toute façon au paradis, l’agent du FBI en charge du dossier a déclaré que les faits ne seraient pas directement liés à la communauté juive, sans préciser les autres motivations, les vraies motivations donc, du preneur d’otages.
Depuis, cette déclaration a été reprise par différents médias qui n’ont pas eu l’idée de s’interroger, à défaut de les remettre en cause, sur les propos ubuesques de cet agent du FBI.
Alors oui, lorsqu’un preneur d’otages – musulman en l’espèce – s’attaque à une synagogue, pendant l’office du Shabbat, pour exiger – au milieu de propos antisémites – la libération d’un membre d’Al Qaeda, connu pour un antisémitisme délirant, c’est bien de l’antisémitisme et ce n’est que de l’antisémitisme. Ça l’ait d’autant plus lorsque la prise d’otages a lieu à Colleyville, Texas. Parce que Colleyville, ce n’est pas Brooklyn. Pour trouver des Juifs dans cette petite ville de 22.000 habitants, il faut bien les chercher.
Ce terroriste – puisque c’est de cela dont il s’agit – avait donc un objectif bien précis et le choix du lieu et du moment de cette prise d’otages n’était pas un hasard.
Alors pourquoi – dans des affaires où le caractère antisémite semble être évident – une partie de la population en remet systématiquement en cause le trait antisémite ?
Si l’on met un instant de côté les prétendus troubles psychiatriques que la famille du preneur d’otages n’a pas manqué de soulever et qui devient depuis quelques années le point Godwin des agressions et meurtres antisémites, aux États-Unis ou ailleurs, plusieurs débuts d’explications peuvent être avancées.
Il y a ceux qui, devant un acte clairement et objectivement antisémite, vont le relativiser pour se rassurer quant à la présence et à l’intensité du danger. Mais casser le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre.
Il y a ceux qui contestent le caractère antisémite dans un contexte électoral qui favoriserait, peut-être, un autre candidat ou pour ne pas avoir à reconnaître que la politique générale ou sécuritaire menée est défaillante.
Enfin, et plus inquiétant peut-être encore, cela pourrait aussi traduire l’existence, dans une part de l’inconscient collectif, de la conviction que finalement il n’y a pas d’attaque injustifiée contre les juifs, que ces derniers portent toujours une part de responsabilité dans ce qui leur arrive et que, par conséquent, les actes terroristes ne peuvent pas être ipso facto antisémites.
Quelles que soient les raisons de cet aveuglement, le résultat est le même. Des Juifs sont pris pour cibles. Ils sont agressés sur les campus ou pourchassés dans les rues par les activistes du mouvement BDS et des islamistes qui ne supportent pas de voir porter un tee-shirt avec le logo de l’armée israélienne. Ils sont pris en otage dans des synagogues comme au Texas et y sont également assassinés comme à Pittsburgh en 2018 ou en Californie en 2019 par des antisémites, d’extrême-droite cette fois-ci.
En tout état de cause, nier la nature antisémite de ces actes revient à en nier la réalité, à en mépriser les victimes. Et c’est aussi cela l’antisémitisme.